samedi 13 août 2011

Yasmina Khadra : L'OLYMPE DES INFORTUNES, Julliard, 2010


Dans ce roman, Yasmina Khadra change d'univers et nous entraîne sur un terrain vague où vivent les Horr, "des clodos qui se respectent" et qui par goût de la liberté, rejettent la société urbaine. A travers le portrait de quelques-uns d'entre eux il dessine une société qui se veut paradisiaque parce qu'elle refuse l'argent et la possession.
"L'argent est la plus vilaine des vacheries. Quand tu le sers, il te dérobe les yeux; et quand il te sert, il te confisque le cœur".

On y retrouve cependant les rapports de pouvoir, le besoin de domination des plus forts et le besoin de protection des plus faibles et cet ordre des choses n'est pas remis en question.

"- Le Pacha est dans un sale état. Il ne veut voir personne.
- Il est chiant comme la mort, ajoute Dib.
Aït Cétéra sourcille, offusqué. Il jette un oeil affolé en direction de la guitoune.
- Tu parles du Pacha, je te signale.
- Raison de plus, persiste Dib. Si c'était quelqu'un d'autre, je passerais l'éponge. Mais il s'agit du patron. Il devrait faire montre de retenue. Chialer, à son âge, lui, le coriace des coriaces ?... C'est à gerber jusqu'à rendre son lait maternel.
- Il a du chagrin, lui souffle Aït Cétéra.
- N'empêche, il est le boss. Et un boss, quand ça souffre, ça doit rester classe...
- Pourquoi tu vas pas le lui dire en face ? le défie Aït Cétéra.
- Parce qu'on n'est pas en démocratie, avec lui. Il sait rien faire d'autre que cogner et brailler. Moi, j'aurais aimé qu'il se tienne droit dans le malheur. Au moins, de cette façon, quand je m'écrase devant lui, j'aurai pas le sentiment d'être une crotte... ".

Le personnage principal, Ach, a pris sous sa protection Junior, un sans-abri un peu simple d'esprit, à qui il se fait fort de transmettre sa vision du monde. 
"- Nous vivons pour nous-mêmes, et ça nous suffit.
- On se débrouille seuls comme des grands, Ach.
- Et on est où Junior ?
- On est chez nous.
- On est ici... Ici, sur la terre des Horr. Ici, où tout est permis, où rien n'est interdit... Et ici, tu n'est pas roi, tu n'es pas soldat, tu n'est pas valet; ici, tu es Toi."

La vie sur la décharge pourrait continuer de même, si un jour, un ange ? un prophète ? dieu lui-même ? ne venait rappeler à Ach, que s'il aime vraiment ce Junior, il doit lui permettre de tenter sa chance et ne pas lui imposer son propre besoin de compagnie.....

Bon, voilà ! Je vous en ai assez dit ! J'ai été très déçue par ce livre car tout au long de la lecture, je me suis demandée où Yasmina Khadra voulait en venir. Même si la vision manichéenne du monde véhiculée par Ach est en quelque sorte remise en question à la fin du livre, j'ai tout le temps eu l'impression d'une "philosophie" à bon marché, d'idées toutes faites, de critiques de notre société du niveau d'une discussion de bistrot. Même les surnoms adoptés par les protagonistes sont trop faciles !

La seule chose qui le sauve est la langue, toujours aussi belle de Yasmina Khadra :

"Une vague plus grosse que les précédentes arrive de très loin, dans un roulement mécanique spectaculaire, domine le large au point de cacher l'horizon et se met à déferler lourdement sur le rivage. On dirait une interminable muraille mouvante déterminée à raser tout sur son passage. Elle monte, monte, engrossée de fiel et de vertige. Soudain, elle se dégonfle à quelques brasses de la crique et s'affaisse lamentablement, semblable à la montagne accouchant d'une souris. Dans un ultime soubresaut d'orgueil, elle tente de se reprendre en main, happe Haroun au passage, le soulève si haut qu'il lui échappe de la crête et tombe sur les rochers. Lorsqu'elle se retire, bredouille et ridicule, le naufragé reste accroché au récif, disloqué et sonné, et ne remue plus. D'autres vagues rappliquent pour le reprendre, giclent furieusement dans les anfractuosités et ne parviennent qu'à l'éclabousser par endroits."

Si vous n'avez pas encore lu "un Khadra", ne commencez en tout cas pas avec celui-là; vous vous feriez une fausse idée de son talent et de l'importance des choses qu'il a à nous dire.

2 commentaires:

  1. La clef d'une société de rêve serait certainement dans un" travail" des humains sur eux-mêmes pour limiter les rapports de pouvoir et le besoin de domination des plus forts, l'argent n'étant, à mon avis, qu'un symtôme de cela...

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  2. Bof ... on a tant écrit sur ces fameux rapports, que je suis lassée avant d'ouvrir le livre. Khadra est un bon écrivain, c'est vrai, mais il a "commis" quelques oeuvres que je n'ai pas spécialement aimées ... Donc, je m'abstiendrai pour celui-là !

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