C'est moi qui ai plongé dans un bonheur profond à la lecture de ces cinq récits d'Henry Bauchau, qui nous entraînent à nouveau dans le sillage du voyage d'Oedipe et de sa soeur-fille Antigone.
Même si vous n'avez pas lu "Oedipe sur la route" ou "Antigone" ou encore "Diotime et les lions", vous trouverez dans ce recueil, tout l'esprit qui les anime et qui anime surtout cet auteur profond et limpide.
Qu'il s'interroge sur l'activité de la création artistique, sur la signification du bonheur, de la folie ou de la puissance du cri d'Antigone, Henry Bauchau nous livre, tout comme dans son "Journal d'Antigone", le secret de sa propre rencontre avec ces deux personnages légendaires qui l'ont tant marqué.
"J'ai compris que leur supplication, ou leur exigence envers moi, ne s'adressait pas à l'homme, mais au poète tragique. J'ai demandé : "Que puis-je faire sans vous connaître?" Le grand mendiant a répondu : "Je suis Oedipe, le roi aveugle. Celui qui, après ses malheurs et ses crimes, découvre que l'oracle est en nous. Celle-ci est ma fille et ma soeur, Antigone. C'est grâce à elle que nous avons entendu ton appel et sommes, à grand-peine, parvenus jusqu'à toi".
Je sentis, en écoutant l'aveugle, renaître en moi une intime épouvante que j'avais ressentie déjà quand Eschyle m'avait dit : "Laisse-les faire", sans vouloir déchirer le voile d'obscurité dont ses paroles demeuraient enveloppées en moi.
"C'est donc du théâtre, ai-je dit, que vous attendez l'existence et des poèmes tragiques que j'espère encore composer ?".
Je me rappelle que dans son "Journal d'Antigone", Henry Bauchau disait à quel point il "devenait" Antigone, à quel point celle-ci l'habitait et lui permettait de poursuivre son oeuvre créatrice.