vendredi 19 juillet 2013

Boualem Sansal : LE VILLAGE DE L'ALLEMAND, Gallimard, 2008


Difficile de résumer ou même d'amorcer une présentation de ce livre, tant il est dense et dérangeant. En effet, Boualem Sansal dénonce l'islamisme en le comparant, en tant qu'idéologie totalitaire au nazisme.

Mais le plus simple est encore de se reporter à une interview qu'il a donnée en 2009 et que vous trouverez ici.

J'ai été passionnée par son propos. Et la forme choisie, celle du journal de chacun des deux frères, en fait un vrai roman. On découvre, petit à petit, l'insoutenable vérité, que ce soit celle du passé nazi de leur père, celle du massacre dont les habitants de leur village natal ont été l'objet en 1994, ou celle de l'assassinat d'une jeune fille par des islamistes dans une banlieue parisienne.

C'est le premier roman que je lis de cet auteur, mais je vais l'inscrire dans les auteurs à suivre. Je serais intéressée à savoir ce qu'il pense des derniers développements survenus en Afrique du Nord. 

Voici un extrait :

"Quand les premiers islamistes sont arrivés, nous les avons applaudis, ils s'étaient dressés contre le Tyran et ses hommes, là-bas, chez eux, en Algérie, les Taghouts comme ils disaient, des caïds formidablement armés qui tuaient et pillaient le plus légalement du monde. J'en ai vu un bout à Alger, à chaque pas je me voyais déporté et liquidé comme un Untermensch, un sous-homme. Ils étaient marrants avec leur uniforme de kamikaze de l'Antiquité, le chapelet en bandoulière, la barbe en bataille, le front cabossé, le regard brûlant, la sandale tout-terrain, on aimait bien leur discours de rappeurs d'Allah, leur disponibilité de curé de campagne, leur endurance de sapeurs-pompiers des pauvres. Ils étaient une poignée mais nous étions des nuées et ne demandions qu'à être leurs bras. On pouvait tout, il suffisait qu'ils le demandent, ils avaient l'oreille et les encouragement d'Allah. A peine sortis de nos coquilles, nous étions fin prêts, ils nous avaient appris combien il est exaltant d'avoir des gens à haïr et de désirer leur mort jusqu'à en perdre le sommeil. On en parlait la nuit dans les caves et les cages d'escaliers, emmitouflés dans nos parkas de moudjahidin, pendant que les pauvres gens qui n'avaient que leur dénuement à sauver fermaient à double tour leur porte à la vérité du Prophète et au redressement moral, et s'endormaient comme des imbéciles heureux. En cette phase d'initiation, on abominait des êtres abstraits, sans noms, ni prénoms, c'était mystique à enivrer un saint. Le flou et l'inexplicable sont les ingrédients de base pour qui veut devenir fanatique et nous le voulions toutes affaires cessantes. Et d'ailleurs, nous n'avions que ça, du temps à perdre. Ces êtres haïssables, nous les appelions les Infidèles, les Kouffars , comme ils disaient à la mosquée. Ca sonnait bien, les Infidèles, les Kouffars, les Tyrans, les Taghouts, on pouvait y mettre ce qu'on voulait, son chat, son chien, ses cauchemars. Quand nous fûmes reconnus     aptes au djihad, l'imam a ouvert le sac des Kouffars et à chacun d'une voix grave et définitive, il a donné un nom : Celui-là est le Juif, Lihoudi, le galeux, le pire de tous, celui-là est le chrétien, le massihi, l'hypocrite, le maudit, celui-là est le communiste, le chouyouï, le monstre honni d'Allah, ceux-là sont le musulman laïc, l'Arabe occidentalisé, la femme libre, des chiens et des chiennes vulgaires qui méritent une mort très cruelle, ceux-là sont les homos, les drogués, les intellos, à écrabouiller par tous les moyens. Tous des gens que nous connaissions, pour la plupart, des voisins, des voisines, des camarades d'école, des collègues de travail, les commerçants du quartier, les profs du lycée, les gens de la télé."

1 commentaire:

  1. Bon, le sujet ne me plaît pas tant que ça, mais l'extrait est plus que convaincant! Je reprendrai l'interview plus tard. Merci, je l'achèterai!

    RépondreSupprimer