lundi 20 mars 2017

Roger Cuneo : LA JOUEUSE, Une descente aux enfers, Ed.Mon village, 2013


Voilà le troisième livre de Roger Cuneo, un peu comme s'il lui avait fallu revenir une fois de plus sur sa relation bien particulière avec sa mère pour pouvoir enfin faire la paix avec ses souvenirs, mais, peut-être et surtout, avec lui-même.

Ceux qui ont déjà lu Roger Cuneo, savent que sa mère était une joueuse et l'avait placé dans un orphelinat de Lausanne pour pouvoir continuer à s'adonner à sa passion. Si dans ces deux premiers romans il utilisait le "je", il semble que cette fois-ci, il a dû prendre plus de distance : il change les  prénoms de la mère et du fils, il fait l'impasse sur l'existence d'une grande soeur, bref, il raconte une histoire non plus telle qu'il l'a vécue, mais comme il imagine que sa mère aurait pu la vivre. 

Et c'est en cela que la démarche est intéressante, car après tant d'années de souffrance d'abord et d'incompréhension ensuite, il redonne une cohérence à cette vie. Il permet à sa mère de revendiquer le droit de ne pas avoir la fibre maternelle, d'avoir l'ambition de vivre libre et de réussir finalement à se consacrer au jeu en ne subissant plus la pression sociale.

"Elle parait aux caprices du destin au coup par coup : dans l'impossibilité de rembourser les sommes empruntées au Mont de Piété, elle avait perdu ses bijoux ? Qu'à cela ne tienne, au lieu de les pleurer longtemps elle en avait acheté d'autres en toc. Il n'y avait qu'elle qui savait qu'elle portait de la pacotille, vrais ou faux, c'était plus dans la façon dont on les arborait que pour leur valeur réelle que ces trucs faisaient leur effet. Il en allait de même dans sa tête, elle refusait de se perdre dans des raisonnements tortueux, elle avait horreur de s'attarder sur les détails, elle estimait que ce se poser trop de questions ne l'avancerait en rien Sur la conduite à suivre, sa morale était simple : faire fi de l'éducation reçue dans son enfance et ne pas s'en vouloir s'il lui arrivait de se fourvoyer. Si quelqu'un était assez bête pour imaginer la tenir en son pouvoir pour quelques instants d'oubli, ça le regardait, l'essentiel pour elle était de ne pas y perdre son âme. Quant à son fils, en ces moments, il n'existait pas, c'est tout."

Je dois avouer que ce parti pris de distanciation m'a semblé affaiblir un peu le propos - par rapport à son précédent récit - en tout cas dans la forme. J'y ai trouvé moins de force, comme si une certaine pudeur avait retenu l'auteur qui ne m'a pas toujours semblé crédible lorsqu'il prétend parler à la place de cette femme. Comme si la colère retombée, il ne lui était resté que la surprise.

Je ne suis pas sûre qu'il s'agisse vraiment d'une descente aux enfers, car si j'en crois la fin de l'histoire, la joueuse a finalement bien géré sa vie, de manière à se permettre à assouvir sa passion, tout en donnant le change à son entourage. Celui qui est descendu aux enfers c'est bien le fils. 

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